J’interviens plusieurs fois par semaine chez une dame de 81 ans, atteinte d’une bronco-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), qui ne parvint plus à fonctionner seule : ni se laver, ni s’habiller, ni se déplacer…Depuis quelques mois, ses trois filles se relaient auprès d’elle pour assurer une présence quasi permanente. Elles sont très différentes les unes des autres et ne s’entendent pas toujours bien. Parfois elles se disputent. Mais elles prennent sur elles pour ne pas briser l’équilibre qu’elles ont trouvé. Je les trouve super. Leur mère a beaucoup de chance. Elle n’en a pas conscience. Elle ne voit que ce qui ne va pas : la tasse de thé trop remplie qui a un peu débordé sur le plateau ; les draps de lit changés trop souvent ; le repas trop copieux etc. Je surprends parfois de l’impatience sur le visage des filles. De l’agacement. Et parfois même une rage difficilement contenue. Surtout quand la mère fait des remarques désagréables sur le ton du reproche, comme si ces filles étaient des enfants. L’autre jour, la mère a fait une scène à l’une de ses filles en ma présence car cette dernière n’avait pas rangé un vêtement à sa place habituelle. J’ai vu qu’elle cherchait mon appui. Elle ne l’a pas obtenu. Au contraire ! « Vous ne pourriez pas parler gentiment à vos filles qui se donnent tant de mal pour vous » ?, je me suis exclamée. Les deux m’ont regardée mais aucune n’a répondu. D’abord, je m’en suis voulue d’être sortie de mon rôle. Et à bien y réfléchir, je me suis dit que j’avais eu raison d’avoir défendu la qualité de la relation entre proches aidants et personnes aidée. D’ailleurs, deux jours plus tard, en m’ouvrant la porte,  la fille m’a proposé un café avec un grand sourire ».

Fatma, auxiliaire de vie.