C’est un usage prescrit pour des raisons de sécurité et d’hygiène : le port de gants en latex pour intervenir au domicile de personnes. Mais ne pourrait-il pas être reconsidéré dans certaines situations ? Telle est la question posée par Leïla ?

« L’association qui m’emploie comme auxiliaire de vie a été formelle : je dois porter des gants pour exercer mon métier. Aussi bien pour faire le ménage, préparer les repas ou aider à la toilette. Le port des gants représente une protection pour nous, les professionnels : nos mains sont nos outils de travail, il faut qu’on les protège. Or, il arrive qu’elles se trouvent au contact de produits d’entretien agressifs. Et puis, elles peuvent se blesser, se brûler, sans compter qu’elles manipulent souvent du linge souillé. Le port des gants délivre un message rassurant aux bénéficiaires : il leur garantit qu’on veille à ne pas leur apporter de microbes de l’extérieur.  Mais pour la toilette, les gants me gênent. Se retrouver dans la salle de bain d’une personne qui s’est entièrement dénudée pour qu’on puisse la laver et l’aborder avec des mains gantées me paraît traduire de la défiance. J’ai l’impression de lui dire : « vous êtes tellement dégoutant que je ne vous touche qu’à travers des gants ». Certaines personnes le ressentent comme tel. Je pense à une bénéficiaire qui me répète sans cesse, « ça va ? Je ne vous dégoute pas trop » ? Je lui réponds que je garde mes gants pour ne pas la griffer avec mes ongles. Mais j’ai honte. J’ai l’impression de ne pas respecter ses besoins humains, comme celui d’être touché. Touché vraiment, par une main dégantée, dont on percevrait la chaleur et la douceur. Quand on connaît l’importance du toucher dans les relations humaines, quand on a fait, comme moi, l’expérience du pouvoir apaisant d’une main posée sur la main d’une personne angoissée, déprimée ou désorientée, on ne peut que regretter que le port des gants soit obligatoire dans toutes les prises en charge ».

Leïla