Ça se passe bien avec monsieur ou madame Untel ? La question est souvent posée aux auxiliaires de vie. Que mettre dans le « bien » ? Ou que mettre dans le « mal » ? La réponse riche d’enseignements de Sabrina, auxiliaires de vie de 28 ans.
«Je dis que cela se passe mal avec une personne, quand celle-ci me prend pour une femme de ménage et qu’elle me demande de tout nettoyer chez elle, de la cave jusqu’au grenier où elle ne va jamais. Mais je ne considère pas que cela se passe mal, si je sens chez un bénéficiaire de la réticence à se laisser aider. Sa réserve ou son agressivité, je ne la prends pas pour moi. Je me mets à sa place. La dépendance doit être difficile à accepter. Surtout dans certains actes de la vie comme la toilette qui est tellement intime. J’aide des hommes à faire leur toilette. Les premières fois, ils sont souvent crispés. C’est normal. J’essaie d’être la plus naturelle possible. De voir et de ne pas voir en même temps. D’être présente dans mes gestes et en même temps de faire abstraction de la situation. Je cherche des sujets de conversations pour amener les bénéficiaires vers un autre terrain, où ils ne sont plus des êtres vulnérables. En général, ça marche : quand on discute, les corps se détendent. J’aime bien les faire parler, raconter leur parcours. Parfois on rigole. Avec le temps, une complicité se noue. Je sais ce qu’ils apprécient, de l’eau tiède après le rasage pour l’un, une giclée d’eau de parfum sur le corps et les cheveux pour un autre. Quelle satisfaction quand je les vois plus sûrs d’eux dans leur corps, contents de porter un vêtement frais ou d’avoir les cheveux brillants. Souvent on me dit que je fais un métier ingrat. Quand j’étais enseignante, on ne me le disait jamais. Et pourtant, en voilà un de métier ingrat ! Les élèves ne sont jamais reconnaissants. Ils vous regardent de travers quand vous leur mettez une mauvaise note. Aujourd’hui, je me sens valorisée tous les jours ».