Pourquoi pas perçues comme essentielles, les auxiliaires de vie ? Cela a été criant durant le confinement. Pour répondre à cette question, il faut remonter dans l’histoire de la profession. L’analyse de Brigitte Croff, spécialiste des métiers des services aux personnes.
L’appellation « auxiliaire de vie sociale » est apparue dans la loi du 2 janvier 2002 avec un diplôme d’état à l’appui, celui d’auxiliaire de vie sociale : DEAVS. Ce diplôme, de niveau 3[1], correspond au niveau CAP et BEP. Le diplôme d’aide-soignante est au même niveau de qualification.
Avant 2002, pour exercer la profession d’aide à domicile (appellation générique) aucune qualification n’était requise et l’appellation la plus employée était aide-ménagère. D’ailleurs la prestation d’aide-ménagère recouvrait essentiellement du ménage, du repassage et le lavage de vitres.
En 2002, fini les prestations de confort. La dépendance est à l’ordre du jour et les professionnels de l’aide à la personne sont attendues sur les toilettes plus que sur l’entretien du cadre de vie. La question de la qualification est posée, bien que la représentation du métier soit restée sur l’image de la femme de ménage, pour ne pas dire la bonne.
Mais à quel professionnel confier les toilettes ? A des aides-soignantes voire à des infirmières ? Le coût risquait d’être élevé car inscrit alors dans des financements de l’assurance maladie.
Du côté des décideurs et des gestionnaires, il est apparu qu’il fallait penser autrement. La profession d’auxiliaire de vie est donc née de cette nécessité, devenant ainsi une profession inscrite dans le travail social.
La mise en place de l’APA en 2001 s’est ainsi couplée avec une exigence de la part de l’action sociale des départements : affecter un personnel titulaire d’un DEAVS auprès des personnes les plus dépendantes (en GIR 1 et 2) qui, pour la plupart avait besoin d’une aide à la toilette.
Même si le personnel s’est senti en partie valorisé, les représentations du travail n’ont pas changé pour les utilisateurs, et c’est toujours la dimension « tâches domestiques » et « ménage « qui priment dans la tête de chacun. Ce qui génère une relégation de la profession d’auxiliaire de vie sociale au rang de subalterne.
Pourquoi durant la crise sanitaire, ce personnel est-il resté invisible ?
Parce que d’une part, durant cette période, il n’a toujours été question que de sanitaire et d’hospitalier dans les communications des médias et du gouvernement. A 20 heures, ce sont les soignants qu’on applaudissait, le personnel hospitalier, pas le personnel des EHPAD, ni du domicile…oubliés de la même façon que la très grande majorité des vieux fragiles. Un vrai travail sur l’identité professionnelle est à faire ainsi que sur l’estime de soi autant du côté des auxiliaires de vie que du côté des personnes dont elles s’occupent pour que les représentations bougent. Vouloir pencher du côté du soin ne semble pas servir la cause de la reconnaissance.
Brigitte Croff
[1] Dans la nouvelle nomenclature des diplômes et qualification parue en janvier 2019 le niveau 3 remplace le niveau V
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