Pour dénouer certaines situations avec ses bénéficiaires, Aïssatou compte sur la patience. Et cela marche. La preuve par cet exemple.
« J’interviens chez une dame pour l’aider à faire sa toilette et à s’habiller. Une fois par semaine, je l’aide à prendre sa douche et à laver ses cheveux. Régulièrement, elle s’oppose à cette douche. Pour toutes sortes de raisons : parce qu’il fait trop froid dans sa salle de bain ; parce qu’elle n’a pas envie de sentir l’eau couler sur son corps ; parce qu’elle aimerait que je fasse autre chose chez elle. Évidemment, je ne cède pas. Céder serait faillir à ma mission de veiller sur son hygiène et sa dignité. Face à ses refus, j’argumente. « Vous vous sentirez tellement bien après, tellement détendue ! Et puis, votre peau sera douce et parfumée ». Généralement, cela suffit. Mais pas toujours.
Récemment, cette dame s’est obstinée dans le refus. Elle voulait que, durant mon heure de présence auprès d’elle, nous sortions toutes les deux. J’ai dit que j’étais d’accord, à la condition qu’elle se douche d’abord. Je me suis donc assise et j’ai attendu. Je l’ai regardée enfiler son manteau sans bouger. Finalement, au bout d’une demi-heure, elle a déboutonné son manteau et a accepté qu’on se rende dans la salle de bain. Ma patience a donc gagné.
Le problème pour moi est ensuite d’expliquer ce dépassement de temps et donc mon retard chez la personne suivante à la structure qui m’emploie. Nos interventions n’intègrent pas cet aspect du métier : le temps passé à faire adhérer des personnes âgées, parfois désorientées, à la mission qui nous amène chez elles. Renoncer à cette patience est selon moi le premier pas vers la maltraitance ».