Les responsables de structures d’aide à domicile ont coutume d’utiliser l’expression « nos filles » pour parler des salariées qui interviennent sur le terrain. Une manière, souvent inconsciente, de renforcer les stéréotypes liés à la profession d’auxiliaire de vie.

Utiliser l’expression « les filles » pour parler des salariées part souvent d’un bon sentiment. Les responsables de structures d’aide à domicile pensent avec ces mots traduire les liens d’affection qui unissent une équipe. D’ailleurs, certaines auxiliaires de vie l’entendent ainsi. « Nous faisons partie d’une famille. Alors nous appeler les filles n’est pas choquant », affirme Fatimatou.

Et pourtant, ça l’est. Et ça devrait l’être pour tout le monde. Pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le terme introduit une dimension de domination. Une fille n’est pas femme. C’est une enfant, une immature, une mineure, qu’il faut commander, éduquer, surveiller en tout cas. A l’heure où les professionnelles du domicile se forment pour aiguiser leurs compétences, cette expression annule les efforts de professionnalisation. Par ailleurs, elle ramène la relation aidant professionnel/aidé à l’univers de la domesticité. Au temps des bonnes que leurs maîtres appelaient « ma fille ». Comment s’étonner ensuite si les bénéficiaires ne respectent pas les auxiliaires de vie ?

Utiliser l’expression « les filles » pour dire « les salariées » est choquant aussi parce qu’elle  enferme le métier dans le genre féminin. Comme si l’aide à domicile était forcément une affaire de femmes, de filles. Ce qui est faux. Prétendre le contraire participe à rendre la professionnalisation du métier inutile :  à quoi bon se former, s’il suffit de naitre du genre féminin pour faire ce travail ?

Quand les responsables de structure s’arrachent les cheveux à chercher à identifier comment ils pourraient revaloriser la profession d’auxiliaire de vie pour recruter plus facilement du personnel, il y a là, une solution toute simple : utiliser les bons mots. Et non plus des mots, qui, sous prétexte d’affection, dévalorisent des professionnels. Les auxiliaires de vie ne sont pas des filles ! Même si elles sont du genre féminin.

VC