La revendication n’est pas nouvelle et résume parfaitement la complexité des interventions des aides-ménagères.

L’analyse de Brigitte Croff, spécialiste des métiers de service aux personnes.

« L’aide-ménagère est un travailleur social ! » est un slogan qui fait partie des revendications de la branche professionnelle de l’aide à domicile. Et qui a une double vocation : faire reconnaître la dimension sociale de la profession. Et rappeler aux entreprises de services aux personnes qui ont investi les activités ménagères qu’on ne peut pas industrialiser les tâches domestiques !

Depuis quelques années en effet, sont apparues des entreprises mettant en avant un personnel capable de repasser tant de chemises à l’heure ou de nettoyer tant de M², comme si la segmentation du travail domestique par tâche et sa technicisation allait le valoriser ! C’est exactement le contraire qui se passe. Ce faisant, on retire toute la dimension sociale que peut comporter l’entretien d’un cadre de vie et on relègue le ménage dans la catégorie des « sales boulots ».

La crise du coronavirus a apporté une illustration de cette dérive.

On s’en souvient : les usagers des services à domicile sont répartis en deux groupes qui correspondent à deux niveaux d’autonomie, ou de dépendance. Des personnes dites fragiles, mais encore autonomes classées en GIR 5 ou 6 et pour lesquels les caisses de retraite financent des « bouquets de service » avec comme tâches principales : les courses ; le ménage ou entretien du cadre vie, le repassage. Ces activités sont réalisées par des auxiliaires de vie non diplômées.

Des personnes en perte d’autonomie, classées en GIR 1 à 4 et pour lesquelles l’action sociale des départements finance des plans d’aide destinés à accompagner les bénéficiaires à continuer à effectuer par elles-mêmes des actes essentiels de la vie : manger, se laver, s’habiller, faire ses besoins, se déplacer. Ces activités et notamment quand elles concernent l’aide à la toilette sont réalisées par des auxiliaires de vie diplômées.

La pénurie de masques et la peur de contaminer les personnes âgées ont obligé les services d’aide à domicile à faire un tri parmi les bénéficiaires et à prioriser certains plutôt que d’autres.

Ce choix n’a pas intégré le risque d’isolement pour certaines personnes. Il s’est fait uniquement en fonction des tâches à effectuer. C’est ainsi que la plupart des personnes en GIR 5 et 6 ont vu leurs prestations suspendues. Faire ce choix a traduit une vision du ménage totalement déconnectée de sa dimension relationnelle. Au prétexte que ces tâches de la vie courante n’étaient pas prioritaires, en les ayant considérées comme inutiles pendant ce temps de confinement, les services ont, sans le vouloir, largement contribué à la disqualification des professionnels chargés du ménage autant qu’à l’abandon d’une partie des personnes fragiles.

Brigitte Croff (plus d’informations en cliquant ici)