Arriver avant l’heure, c’est pas l’heure et après l’heure, c’est plus l’heure. Danu, auxiliaire de vie, aimerait bien que les bénéficiaires comprennent que le temps est indomptable.

J’ai du mal à comprendre pourquoi les gens chez qui j’interviens sont si à cheval sur l’horaire ! La plupart passent leur journée seuls chez eux et ne reçoivent personne à part moi. Ils savent que je n’ai pas de voiture et que je me déplace d’un domicile à un autre avec le bus. Ils savent aussi que le trafic routier en région parisienne est dense. Et pourtant, si je ne sonne pas à l’heure précise où je suis censée arriver chez eux, ils font des histoires. Si j’arrive dix minutes plus tôt, certains refusent de m’ouvrir la porte. Récemment, une dame l’a ouverte en me demandant : « Qui êtes-vous ? Que venez vous faire chez moi ? » et en la refermant aussitôt. Dix minutes plus tard, en sonnant à nouveau, elle l’a ouverte en s’exclamant, « ah, Danu, quel plaisir de vous voir ». Dingue, non ?

Quand j’arrive en retard, ne serait-ce que de quelques minutes, beaucoup sont inquiets. Ils ont même appelé mes responsables de structure pour se plaindre. Ces attitudes me stressent et me pèsent. S’imaginent-ils, ces bénéficiaires, des efforts que je fournis pour me rendre chez eux ? Pour arriver à l’heure, je dois laisser mes enfants finir leur petit-déjeuner tous seuls, marcher dix minutes jusqu’à l’arrêt de bus, bus que je paie de ma poche, puisque que mes transports ne sont pas remboursés, puis après vingt-cinq minutes de bus, encore marcher quinze minutes, puis grimper des étages à pieds, car plusieurs bénéficiaires vivent dans des immeubles sans ascenseur ou alors en panne ? Non, ils n’imaginent pas. Ils sont trop centrés sur eux-mêmes. Leur rapport au temps n’est pas le même que le mien. Quand je suis heureuse de n’avoir que 8 minutes de retard, eux sont déjà angoissés à l’idée que je ne vienne pas.

Danu