Quoi de plus frustrant que de débarquer chez un bénéficiaire et de se faire recevoir avec un « je n’ai pas besoin de vous » !  Le refus d’aide est une situation courante mais pas toujours déchiffrable. Pourquoi certaines personnes se montrent-elles si réticentes, voire carrément hostiles, face à leur auxiliaire de vie ? Le témoignage de Jean-Paul est éclairant.  

« Si on m’avait dit, à 30 ans, quand j’étais en pleine possession de mes moyens, qu’un jour j’aurais besoin d’aide pour me laver le matin, me raser et enfiler mes vêtements, je crois que j’aurais demandé qu’on me tue avant. Cela peut paraître excessif. Mais l’indépendance a été une telle conquête pour moi qu’elle m’est longtemps apparue comme le bien le précieux. Fils unique d’une mère au foyer, j’ai eu du mal à me libérer de son emprise! Je me suis d’ailleurs arrangé pour ne vivre qu’avec des femmes dont le talent ne se situait pas dans la domesticité. Cela me permettait de gérer moi-même ma lessive, mon ménage et ce que je mettais dans mon assiette. Et puis, il y a quatre ans, je suis tombé malade. Un problème cardiaque grave, doublé d’un problème respiratoire. Résultat : je ne peux plus fonctionner tout seul. Comme je vis seul, j’ai dû me résoudre à accepter d’être aidé. Une auxiliaire de vie passe tous les jours, une heure le matin et une heure le soir. Je déteste me retrouver dans cette situation de vulnérabilité entre les mains d’une personne dont je ne sais rien. Et subir sa manière de s’y prendre pour me shampouiner la tête, par exemple. Pendant longtemps, je me suis laissé faire comme si je n’étais pas là. Puis, j’ai eu une phase de râlerie qui a fini par décourager une jeune Mabounou. Maintenant, je m’efforce de participer à ce qui se passe. J’exprime mes besoins. Du coup, l’aide est moins pesante. Récemment, alors que j’étais très affaibli, j’ai dû faire ma toilette au lit. J’ai craint le pire. J’en étais presque recroquevillé de terreur. Mais l’auxiliaire de vie s’y est prise d’une manière si délicate, si bienveillante, que j’en aurais pleuré. Elle a réussi à ce que je ne me sente pas dévalorisé parce que fragilisé. Avec ses gestes doux et précis, elle m’a signifié que je méritais qu’on s’occupe de moi. Je n’oublierai jamais ce moment : cela a été pour moi une leçon d’humanité. On peut se sentir un homme, même dans les pires situations… mais cela dépend de la qualité de certains êtres».