C’est un cri du coeur partagé par de nombreuses auxiliaires de vie, effarées d’intervenir chez des personnes âgées qui ont faim.

Aminata, Aissata, Evelyne, Mariama, Tatiana, Zaia, chacune auxiliaire de vie dans une structure de soins à domicile, partagent cette expérience glaçante : être intervenues au domicile de personnes âgées qui avaient faim. Soit parce que les repas livrés à leur domicile par leur mairie étaient trop chiches. Soit parce que leur frigo était vide et leur porte-monnaie aussi. Ou qu’elles étaient restées trop longtemps sans personne pour leur amener des victuailles.

Ainsi est-il arrivé plus d’une fois à l’une de partager sa gamelle du midi, à l’autre de sacrifier sa réserve de bonbons, à une autre encore de sortir faire des courses avec son propre argent pour ne pas avoir à laisser la personne âgée seule, le ventre vide, après son intervention. « Jamais je n’aurais imaginé qu’en France, on pouvait crever de faim » soupire Zaia, d’origine marocaine. Et de raconter comment elle a essayé d’attirer l’attention sur cette nonagénaire vivant sous la tutelle d’une tutrice – sa fille- habitant à 600 km de chez elle. « La tutrice considérait que sa mère n’avait pas besoin d’un budget nourriture. Que les repas livrés devaient lui suffire. Il a fallu que je fasse pression sur la structure qui m’emploie (et qui m’a suggéré dans un premier temps de ne pas me sentir concernée, que cela n’était pas mon problème), pour qu’elle-même fasse pression sur les services sociaux et remontent jusqu’à la tutrice…Cela a pris des semaines. Et en attendant, la dame avait faim ». Pour calmer la faim de l’octogénaire chez qui elle intervenait et l’empêchait de travailler par ses plaintes, Aissata apportait des gâteaux. « Pourtant, nous n’avons pas le droit de prendre la décision de nourrir nos bénéficiaires, car certains ont des régimes alimentaires spécifiques. S’il arrivait quelque chose, nous serions responsables ».

Responsables en cas de malheur. Mais priées de ne pas se sentir trop concernées par le malheur, telle est la difficile posture des auxiliaires de vie.