Ce qui participe à rendre le métier d’auxiliaire de vie difficile ? Etre confronté à la misère sociale des personnes âgées. Le poignant témoignage de Dovi.

« Cela n’a pas été sans mal, mais je m’y suis habituée… au rapport des Français avec leurs personnes âgées. Je sais que le fonctionnement familial en France n’est pas le même qu’au Togo, mon pays d’origine et que, globalement, les gens sont responsables d’eux-mêmes, y compris quand ils sont vieux. Je sais aussi que, ne pas céder sa place dans le bus à une personne plus âgée que soi, n’est pas forcément le signe d’une indifférence à son âge mais parfois la marque d’un respect. On ne veut pas signifier à la personne qu’elle est vieille et qu’elle doit s’asseoir.

J’ai compris tout cela, à force de vivre dans ce pays. N’empêche que la solitude de certaines vieilles personnes, qui traduit une forme d’abandon de la part de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, de la société toute entière me révolte encore. Et même m’accable. Je pense en particulier à cette nonagénaire qui vit seule et isolée dans un immeuble où personne de la connaît. Je suis l’unique personne qui pénètre chez elle et à qui elle parle certains jours. Elle m’attend comme le soleil qui entrerait dans son appartement. Et elle me regarde partir avec déchirement. Elle se poste d’ailleurs à sa fenêtre pour voir m’en aller.  J’ai donc pris l’habitude de me retourner et de lui faire un signe de la main. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois…Ce serait plus pratique de marcher à reculons ! De son côté, elle me fait « au revoir », en agitant très fort son bras. L’autre jour, en arrivant chez elle, elle m’a accueillie avec ces mots : « Pourquoi ne vous êtes-vous retournée que deux fois, mardi ? J’avais dit quelque chose qui ne vous avait pas plu » ?

Cela m’a glacée… Quelle solitude dans ces mots ! Quelle misère ! On ne pourrait pas vivre autrement? »